mercredi 25 avril 2012

Le festival du troublant

Choc post-traumatique, dialogue avec l'au-delà, cartel de drogue et frénésie informatique: autant de sujets que l'on peut qualifier de troublants, avec bien sûr les nuances qui s'imposent. Le trouble apparaît d'ailleurs en filigrane, se laisse deviner: dans le regard fou d'un soldat psychologiquement torturé, dans le quotidien d'un homme surdoué, dans la vulnérabilité d'une femme ébranlée... Plongez sans crainte, car ce sont là de très bons films.

Brothers (2009)

Pour un film ayant comme thème sous-jacent la guerre, sachez qu'elle y reste étonnamment discrète. Exclusivement articulé autour du départ d'un soldat américain pour l'Afghanistan et de la résignation conséquente de sa famille, Brothers brosse un portait lent et juste d'une petite communauté conservatrice où vivent tranquillement les membres de la famille de Sam — si ce n'était des frasques de son frère Tommy (excellent Jake Gyllenhaal). Si les scènes en Afghanistan, courtes et pénibles, ne m'ont pas convaincue — les Américains pouvant mal jeter un oeil objectif sur leur présence militaire —, le traitement du choc post-traumatique est toutefois à la hauteur de mes attentes, Tobey Maguire ayant réussi un tour de force: trouver le regard parfait du soldat dont l'esprit, profondément torturé, ne tourne plus rond.

Hereafter (2010)

Avis aux sceptiques que le titre du film pourrait rebuter, sachez que le réalisateur Clint Eastwood (J. Edgar, Mystic River) n'a pas l'habitude de pondre des films superficiels. Que vous croyiez ou non aux esprits, aux fantômes ou à une vie après la mort, Hereafter viendra vous remuer d'une manière ou d'une autre. On y revit le tsunami de 2004, on y effleure le milieu de l'édition et du journalisme français, et on y côtoie la mort et le deuil à travers une panoplie de personnages émouvants, tous reliés à un seul et unique homme surdoué: George, qui parle avec les morts — mais pas n'importe comment. D'ailleurs, Matt Damon est tellement incarné que le résultat est tout à fait renversant. Je me suis tant attachée à son personnage que je vivais l'action non plus par le biais du regard de la caméra, mais par son regard à lui. Ajoutons que Cécile de France est, comme d'habitude, tout à fait caméléon. Un film discret, délicat, à la réalisation impeccable, qui soulève des questions fondamentales.

Maria Full of Grace (2004)

Jusqu'où une jolie jeune fille colombienne, téméraire et entêtée, est-elle prête à aller pour gagner sa vie et faire vivre sa famille? C'est la question à laquelle répond exhaustivement Maria Full of Grace, un film de l'américain Joshua Marston à cheval entre la Colombie campagnarde, enfermée dans ses valeurs et ses secrets, et l'Amérique moderne comme «terre promise». Linéaire, simple et surtout crédible grâce à ses interprètes au naturel étonnant, le long-métrage suit le trajet de Maria (remarquable Cantalina Sandino Moreno), qui devient par la force des choses une «mule» — ces filles qui transportent de la drogue dans leur estomac d'aéroport en aéroport. Mesdames, certaines scènes sont difficiles à supporter, on se mord les mains, mais il vaut la peine de les endurer rien que pour connaître cette affreuse réalité.

The Social Network (2010)

Bien franchement, je comprends mal comment ce film frénétique, où l'interprète de Mark Zuckerberg incarne à lui seul ce que le cinéma a fait de plus banal et de plus énervant, ait pu se faufiler dans la course aux Oscar jusqu'à devenir candidat pour le convoité Best Picture. Le long-métrage a certes la qualité de bien résumer, chronologiquement parlant, le phénomène Facebook. Mais les images défilent à une cadence comparable à la vitesse du code binaire et les relations restent largement en surface, le réalisateur ayant manifestement voulu courir trop de chevaux à la fois. Résultat, on en ressort plus essoufflé qu'informé. Pas une minute de répit pour le cinéphile, qui doit encaisser le jargon technique — sous-titres indispensables! — et les nouveaux visages sans avoir le temps de faire des liens. Avec ses interprètes plutôt ordinaires — Jesse Eisenberg, je l'accorde, livre une impressionnante performance — et ses faiblesses éparpillées, The Social Network restera à mon avis une étoile filante dans l'histoire du cinéma. Et cela va sans dire, pour les non-utilisateurs de Facebook — soit 90 % de la population mondiale... —, le film n'a absolument aucun intérêt.

mercredi 18 avril 2012

Breaking Bad


Vous souvenez-vous, je vous avais parlé d'une série voilà quelque temps, The Walking Dead? La deuxième saison vient de se terminer, et c'est toujours aussi bon.

Mais entre-temps, une autre série m'a été conseillée et dont j'ai maintenant écouté les 4 saisons déjà sorties: Breaking Bad.

Je dois vous dire que ces deux séries ont contribué à changer ma vision du cinéma: dans une série, on a davantage de temps pour exploiter les idées, raconter l'histoire en détail et approfondir les personnages.

On a parfois de la difficulté à se lancer dans un film de 3 heures, mais pourtant, ces deux séries comprennent des dizaines d'heures que je n'ai même pas vu passer. Bien sûr, toutes les séries ne doivent pas êtres bonnes, mais ces deux là s'équivalent.

Sincèrement, Breaking Bad est une des meilleures affaires que j'ai écoutées dans ma vie, tout film/série confondus. Je suis surpris d'aimer autant une série, je ne croyais pas ça possible. J'ai beau essayer de me rappeler un film qui pourrait accoter cette série en terme d'intelligence du scénario et de tournures bien pensées, je ne suis pas capable! Pas de remplissage, pas de longueurs, pas de manque d'idées, pas de "ouais, ça vire d'une drôle de manière...", jamais l'impression que les scénaristes ont pris de mauvaises décisions; c'est quelque chose que je n'avais jamais vécu. Un chef d'oeuvre, tout simplement, et je pèse bien mes mots ici.

J'ai même eu une rage d'écoutes à un moment donné: la saison 3 en 24h: j'ai écouté les épisodes 1 à 9 dans une après-midi/soirée, puis j'ai écouté le reste le lendemain matin, épisodes 10 à 13. J'étais tellement dedans que la fin de la troisième saison m'a rendu mal à l'aise au point où j'ai mal «feelé» pour le reste de la journée, comme quand on a fait un mauvais rêve qui nous laisse dans un mauvais mood pour la journée. Moi qui récemment disais avoir une baisse cinématographique, je vois sincèrement Breaking Bad comme étant une partie de la solution, un renouveau et une preuve comme quoi il est encore possible de m'impressionner fortement!

Je commence à considérer les séries comme une nouvelle avenue cinématographique, il se peut fort bien que je mélange films et séries sur ce blog dans l'avenir. Il semble que la série The Wire est excellente selon deux sources, alors je vais y regarder de plus près. Peut-être que finalement les Américains sont meilleurs dans leurs séries que dans leurs films, en tout cas pour moi c'est clair!

L'automne prochain va être vraiment le fun car la saison 3 de The Walking Dead et la saion 5 et finale de Breaking Bad vont passer à la télé. Ça va être le top!!!

samedi 7 avril 2012

Cinéphilie au féminin (2)

Voilà enfin la deuxième fournée de ma série d'écoutes s'adressant à un public féminin — quoique Messieurs, certains films ici listés pourraient grandement vous plaire. Bien plus intellectuels que le décourageant Leap Year, ils abordent des thèmes plus poussés, dont le deuil (The Greatest), la philosophie de l'amour (Before Sunrise/Sunset) et l'immigration (House of Sand and Fog).

Before Sunrise (1995) et Before Sunset (2004)

Rarement ai-je regardé d'aussi extraordinaires longs-métrages sur la vie en voyage et les rencontres qu'elle procure. Presque exclusivement axés sur le dialogue, Before Sunrise et sa suite, Before Sunset, suivent d'abord la brève rencontre viennoise, puis les retrouvailles parisiennes de l'Américain Jesse (charmant Ethan Hawke) et de la Française Céline (rayonnante Julie Delpy). En 1995, à bord d'un train pour Vienne, les deux voyageurs se découvrent une rare complicité et passent la nuit suivante à vagabonder dans la capitale autrichienne. Chacun devant retourner dans son pays respectif, ce temps compté leur bâtit un moment de perfection, que tous deux savent éphémère — et pourtant, comme tous les jeunes qui partent pour l'inconnu sans plan établi, ils représentent cet espoir sans limites de la jeunesse, un espoir à mes yeux réaliste et nécessaire. Presque dix ans plus tard, les deux adultes se retrouvent cette fois, un peu par hasard, pour un après-midi dans la ville de Paris où travaille Céline et où Jesse termine la promotion de son livre. Maturité aidant, chacun ayant une vie plus «rangée», les dialogues de Before Sunset sont savoureux et davantage maîtrisés. Tout coule de source. On se retrouve dans les personnages encore plus que neuf ans plus tôt, on rit aux éclats et leur chimie époustouflante nous tord à nouveau le ventre. Tout est-il possible? Faut-il ou ne faut-il pas croire aux hasards? Before Sunrise est en soi une belle leçon, que complète à perfection Before Sunset. Regards critiques et humains sur l'amour et la vie, les longs-métrages abordent tout ce dont on oublie de parler dans nos quotidiens de grande vitesse, donnent espoir et dégagent une belle lumière. Et s'il fallait voir dans certaines rencontres la preuve que tout est possible? La certitude qu'il suffit de croire...

House of Sand and Fog (2003)

Quel drôle de film que ce House of Sand and Fog, pas mauvais mais éparpillé, où les coups de théâtre s'accumulent jusqu'à frôler l'hystérie. À la mort de son père, une jeune femme en hérite une jolie maison avec vue sur la mer, au bord du Pacifique, à San Francisco. Son mari venant de la quitter, elle n'ouvre pas son courrier, erre comme une âme en peine, pour finir par apprendre... qu'elle est expulsée de la maison, devenue par un malheureux malentendu la propriété du comté. Horreur. Elle se bat donc pour reprendre possession de son bien, elle qui n'a plus rien et dort dans sa voiture, engageant du même coup une véritable bataille — le mot n'est pas trop fort — pour renvoyer chez eux la famille iranienne qui a racheté la maison. Si certaines scènes sont discutables et si le scénario, exclusivement basé sur la maison, vacille un peu, la sublime performance de Ben Kingsley (Schindler's List, Shutter Island) et de sa touchante famille donnent heureusement une dimension historique au long-métrage, qui en devient du coup bien plus intéressant. L'ambiance d'urgence et de noirceur est par ailleurs bien réussie, et les diverses extrémités auxquelles sont poussés les personnages restent foncièrement humaines. Un bon moment cinéma, mais qui soulève quelques points d'interrogation tout à fait légitimes.

The Greatest (2009)

Une belle brochette d'acteurs se côtoie dans ce film discret, mais au thème intéressant: le deuil. Une jeune étudiante de 17 ans (convaincante Carey Mulligan), tombée enceinte lors de sa première nuit avec le garçon de ses rêves, se retrouve dans la maison des parents de celui-ci quand il meurt précocement dans un accident de voiture. Le père (très juste Pierce Brosnan) et la mère (touchante Susan Sarandon) vivent leur deuil chacun à sa manière, dans tous les extrêmes possibles, ayant aussi à accepter la venue du bébé et la présence d'une fille-mère qui leur est inconnue. Franchement un bon film, profondément émouvant par moments, parfois même original dans son traitement. À souligner, la performance arrache-tripes du frère du mort, qui rend à perfection l'état dans lequel peut se trouver un jeune adolescent perdu après la mort de son frère aîné.