Après les films de répertoire pseudo romantiques, me voilà plongée dans l'artillerie lourde: les films de réalisateurs établis, où les plus sourdes pulsions humaines sont mises au premier plan.
Carnage (2011)
Quel délicieux moment de cinéphile Cousine et moi avons-nous passé devant
Carnage! Adapté de la pièce
Le Dieu du carnage, de l'écrivaine française Yasmina Reza, ce long-métrage de Roman Polanski prend la forme d'une confrontation en vase clos entre deux couples — qui n'était à l'origine qu'une discussion à propos d'une bataille entre leurs fils respectifs.
Geneviève: Pour être efficace, ce genre de film à la
Huis clos se doit d'être brillamment mis en scène et de compter sur un solide scénario. Et c'est ici le cas. On ne s'ennuie pas dans cette sournoise dissection d'une soirée entre deux couples, qui discutent dans l'appartement des parents dont le garçon a été le plus amoché au cours de la bagarre. D'abord un peu collet monté, âge adulte oblige, la discussion dégénère et les coups bas fusent: alors que l'un parle sans cesse au téléphone avec effronterie (prodigieux Christoph Waltz), sa femme commence à se sentir mal (délicieuse Kate Winslet) et s'attire les foudres de ses hôtes (solides Jodie Foster et John C. Reilly). Il faut bien sûr aimer les dialogues et la mécanique du théâtre pour apprécier
Carnage, mais même les plus néophytes en cette matière seront aimantés par cette peinture de nos bassesses les plus humaines.
Cousine: Comme Geneviève, j'ai beaucoup aimé ce film. Le côté "pièce de théâtre"est très fort et se démarque principalement par un scénario et des dialogues d'une grande finesse. Bien que le film soit court (1h20), il en est pas moins efficace. À écouter en début de soirée, pour pouvoir écouter un 2e film après.
La piel que habito (2011)
Quel film sordide et tordu. Mais quel film.
La piel que habito est une autre perle d'Almodóvar, qui nous a habitués à ses lentes dérives psychologiques bien charpentées — on se souviendra du touchant
Hable con ella, il y a dix ans. Cette fois-ci, le réalisateur espagnol nous plonge dans le quotidien d'un chirurgien esthétique, qui se consacre à la création d'une peau ultrarésistante dans l'anonymat de son laboratoire privé. Mais autour de lui, on s'aperçoit bien vite que tout cloche: à commencer par la mystérieuse jeune femme qu'il tient recluse et qui tente, par tous les moyens, de s'échapper. Personnage central de
La piel que habito, cette femme n'est que le premier des nombreux malaises qui nous montent au coeur durant deux heures, dans le va-et-vient entre présent et passé où l'histoire de fou du chirurgien se reconstruit. Un film troublant, qui secoue quand même.
The Bang Bang Club (2010)
Prenez quatre photographes de presse, déposez-les dans les rues de Soweto, en Afrique du Sud, juste avant l'élection de 1994 et ajoutez-y un brin de décadence: vous aurez ainsi le portrait de
The Bang Bang Club, long-métrage de fiction — mais inspiré de faits réels — du réalisateur canadien Steven Silver. Si le film reste flou sur les événements historiques qu'il raconte — le conflit entre les Noirs pro-ANC et la communauté zouloue en plein apartheid —, ses airs de documentaire et ses impressionnantes reconstitutions ont en revanche de quoi captiver. On se promène, avec les quatre photographes tricotés serré, à même les rues dangereuses de la banlieue noire, dans les balles et les massacres au couteau, jusque dans les cases de familles qui veillent leurs morts sous une ampoule nue. Journalistiquement parlant,
The Bang Bang Club est très bon — même s'il lui manque peut-être, pour avoir toute la grâce du cinéma, un peu de chair autour de l'os.
Inglourious Basterds (2009)
Je suis loin d'être une adepte des films de Tarantino, que je trouve insupportablement violents. Mais je dois dire que cette fois,
Inglourious Basterds est une belle réussite, un juste dosage entre humour, drame, histoire et fantaisie, qui nous emporte dans l'Europe dévastée d'Hitler et ses sbires. Qui ne connaît pas ces
basterds juifs partis scalper du nazi et qui, malgré leur maladresse, réussissent à faire trembler le terrible dictateur? Encore une fois, la direction photo est impeccable et les performances d'acteur, Brad Pitt et Christoph Waltz premiers, sont à couper le souffle — sauf peut-être celle de Mélanie Laurent, qui reste fidèle à tous ses autres rôles: d'une sécheresse formidable. Dommage, car son personnage de jeune juive cherchant vengeance est à lui seul un portrait de la résistance française au temps de l'Occupation. Mais malgré cette petite faiblesse,
Inglourious Basterds a de la gueule.
Slumdog Millionnaire (2008)
Un peu comme Cousine,
qui s'était demandé pourquoi il avait raflé tant de prix, je n'ai été qu'à moitié charmée par
Slumdog Millionnaire. Même s'il nous plonge dans l'Inde jusqu'aux oreilles, même s'il est un miracle de réalisation, il lui manque une sorte de vérité fondamentale, une modestie. Oui, c'est cela, une modestie. Danny Boyle en a fait trop pour montrer l'Inde au reste du monde, ses beaux comme ses mauvais côtés, et tout va trop vite pour qu'on puisse véritablement encaisser l'Inde — et l'histoire. J'aurais préféré une caméra plus posée, un ton un peu moins grandiose qui aurait mieux collé à la complexité de l'Inde. Cela dit, l'histoire de ce jeune Indien né dans les bidonvilles de Mumbai, soupçonné d'avoir triché au jeu télévisé
Who Wants To Be A Millionnaire puisque sa vie l'a un jour mis sur le chemin des bonnes réponses, est émouvante, entraînante et intrigante jusqu'au bout.
Atonement (2007)
Pour un film inspiré d'un livre traitant lui-même de l'écriture,
Atonement est fort bien réussi. Dans le meilleur de la bourgeoisie anglaise étriquée, une jeune fille égoïste et jalouse profère un mensonge qui aura de graves conséquences sur la vie de sa soeur aînée, déjà malmenée par la guerre. Plus tard, l'enfant devenue grande se fera écrivaine pour recoller par les mots les pots qu'elle a cassés. Cela étant dit, la plus grande qualité d'
Atonement est son scénario, judicieusement articulé autour d'un mystère dont la mécanique n'est dévoilée qu'à la fin — on n'a jamais vu plus original procédé de rédemption. Et s'il n'a pas l'allure ni le ton d'une morale,
Atonement donnera quand même à réfléchir aux esprits les plus fins, et ce, même si le jeu toujours aussi vide de Keira Knightley gâche un peu la sauce.
Little Miss Sunshine (2006)
Quelle sympathique petite fable que ce
Little Miss Sunshine, une sorte de comédie noire où l'on suit une famille rapiécée sur sa route vers la Californie, où la plus jeune souhaite participer à un concours de beauté. Ce n'est certes pas un grand chef-d'oeuvre, mais on ne peut pas faire autrement que rire tant la situation (à six dans une vieille Volkswagen, grand-père cocaïnomane et ado muet compris) est loufoque, désespérée, absurde même. Mais la scène est aussi profondément triste, car on aborde des thèmes sombres comme le suicide, la dépendance et la moquerie, la jeune Olive n'ayant rien d'une beauté, justement. Un film à voir surtout pour les acteurs, presque tous absolument délicieux — surtout Steve Carell en frère suicidaire homosexuel, qui cite Proust et parle philosophie alors que le reste de la famille mange du poulet frit en buvant leur litre de Coca. Savoureux.
The Painted Veil (2006)
Voilà une belle découverte presque inconnue des cinéphiles:
The Painted Veil, un long-métrage planté dans les montagnes humides de Chine au beau milieu d'une éclosion de choléra. Les excellents Naomi Watts et Edward Norton incarnent un couple qui, marié un peu trop vite et sans trop d'amour, se retrouve coincé dans une villa sans air dans le danger d'un village de Chine, où le mari, bactériologiste, s'efforce de limiter les morts. Doté d'une photographie et d'une reconstitution historique appréciables — considérant que le film est plutôt axé sur la relation du couple —, mis en musique par l'incomparable Alexandre Desplat,
The Painted Veil est une belle plongée: dans les terres chinoises, mais surtout dans les déraisons du coeur.